Portrait d’un « médecin des pauvres » – RTL

Portrait du Docteur Xavier Emmanuelli réalisé par Isabelle Choquet pour RTL :

« Avec le froid et la neige, qui s’abattent actuellement sur tout le pays, le Samu social est en première ligne pour secourir les sans-abri. Son fondateur, Xavier Emmanuelli est un grand médecin, à en croire tous ceux qui l’ont vu à l’oeuvre. Il rectifie: « Un pauvre médecin, parce que médecin des pauvres ».

Va pour la formule, mais Xavier Emmanuelli sait bien qu’il n’a pas trahi ses rêves d’enfants, quand il s’émerveillait en écoutant les exploits de Pasteur et l’épopée du docteur Schweitzer. Il n’a pas trahi non plus ceux qui l’ont forgé. Car cet homme-là aime avoir des guides, des chefs de clans. Son côté corse peut-être…

Le premier de tous, c’est son père : instituteur défroqué devenu médecin de famille, et résistant pendant la guerre. Avec sa femme, ils cachaient des juifs. Il deviendra Juste parmi les nations. L’autre maître, c’est Pierre Huguenard, l’un des fondateurs du Samu, celui qui lui a dit : « Décrivez-moi le monde à travers les solutions que vous m’apportez ».

Jacques Chirac, son mentor
Et des solutions, Xavier Emmanuelli en a trouvées. Il a toujours rêvé d’aventures : premier job dans la marine marchande, puis les Houillères en Lorraine. Mais son talent, c’est l’urgence… Alors en 1971, avec Kouchner et Brauman, il fonde Médecins Sans Frontières : 23 années de sa vie, de guerre en catastrophe, de famine en épidémie.

Des années à tutoyer la mort, avec des moments de grâce aussi : « Tout cela n’est pas racontable, ce sont mes histoires d’amour » dit-il. Il est médecin-chef à Fleury Mérogis. Il attrape la gale au centre d’hébergement de Nanterre… Et il se trouve un nouveau mentor : Jacques Chirac, qui l’appelle « le toubib ». C’est grâce à lui qu’il crée le Samu Social en 1993. C’est pour lui qu’il acceptera ensuite un poste de secrétaire d’État : « Il n’a pas su lui dire non » raconte un ami, mais il était malheureux comme les pierres ». Pas de regret pourtant, cela lui a permis de créer le 115.

Et tout cela porté par une foi inébranlable, et assez surprenante… Car le toubib était communiste. Dessinateur occasionnel d’Hara Kiri, il vomissait les bondieuseries. Mais à force de côtoyer l’indicible, les croyances de l’enfance ont resurgi.

Amateur des pensées magiques
Dans Libé, Rony Brauman se souvient avec amusement de leur audience devant le pape à Castel Gandolfo : « Il était attendrissant, il tremblait comme un gamin qui passe son brevet ». Les deux pieds dans le réel, Xavier Emmanuelli flirte aussi avec les pensées magiques.
Dans la marine, il guettait les augures dans le vol des oiseaux, et quand il partait avec MSF, il griffonnait parfois une lettre d’adieu pour conjurer le sort.

Aujourd’hui, à bientôt 80 ans, la mort ne lui fait plus peur, mais il s’interroge : « Suis-je prêt ? Est-ce que j’ai fait ce que je devais? ». À ce qu’il parait, Dieu reconnaîtra les siens… »